LES BLINDÉS DANS LA GRANDE GUERRE

<= L'armée française de l'été 14

Les raisons n'ont pas de galons - Général Estienne


Les blindés sont la conséquence logique des moteurs à explosions et des véhicules automobiles. Les armées en 1914 étaient hippomobiles, et les militaires ne se faisaient qu'une vague idée de l'importance future des véhicules motorisés (Tout ça pour l'armée c'est du sport... Général Foch). Avant guerre les vélocipèdes et les automobiles commencent à être employées, mais les projets de véhicules blindés tout terrain, comme celui du capitaine Levavasseur en 1905, sont rejetés en bloc, en France ou ailleurs.

Avec la guerre, des Taxis de la Marne aux chars Renault FT17 (précisèment dit Chars de la Victoire), en passant par les convois de camions de la Voie Sacrée, ils prendront de fait une importance de plus en plus essentielle.

Relève de troupes par des autobus urbains réquisitionnés - début de la guerre:


Génèse: Peu aprés le début de la guerre, suite aux puissances de feu modernes, le front se stabilise et la guerre s'enterre. On ne voit pas le bout de la guerre des tranchées qui s'éternise. Pour parvenir à percer, il fallait trouver une arme de mouvement qui a disparu avec la cavalerie. Le premier à le comprendre est le colonel d'artillerie Estienne. Aprés la bataille de Charleroi et les premières hécatombes dues aux mitrailleuses celui-ci avait déclaré: "La victoire appartiendra à celui qui parviendra le premier à monter un canon sur une voiture capable de se mouvoir en tout terrain". C'est en voyant en 1915 des tracteurs agricoles à chenilles Holt (d'origine américaine) tractant des pièces d'artillerie lourde dans la boue du secteur britannique qu'il pressentira la solution du problème.

Estienne sait que le char doit allier trois fonctions: mobilité, armement, protection. Le blindage doit arrêter les balles et éclats d'obus, les canons et mitrailleuses embarqués doivent permettre de détruire les armes automatiques adverses et annihiler les résistances dont l'infanterie ne pourrait venir à bout, les chenilles doivent permettre de progresser en terrain chaotique et de franchir trous d'obus et tranchées adverses. Un tel cuirassé terrestre devait permettre aussi de transporter de l'infanterie jusque dans les lignes ennemies. 

Le général Estiennne:

Ayant contacté le GQG début décembre 1915, son projet alla trés vite vers la réalisation concrète. Il l'exposa devant le général Janin à Chantilly le 12. Le 20 il rencontre Louis Renault et l'ingénieur Brillié de la société Schneider, puis le 18 janvier 1916 il rencontre Pétain, Castelnau et enfin Joffre. Une première commande de 400 chars est passé chez Schneider avec les CA-1 (sous le nom de camouflage de tracteurs d'artillerie), puis une nouvelle commande est passée pour un second type de chars, le Saint-Chamond, fixée à 400 exemplaires là aussi.

En août 1916 Estienne est affecté au GQG comme commandant de l'artillerie spéciale (AS), subdivision qui emploiera les chars.

Les premiers insuccés des chars firent douter les alliés, tandis que les allemands prirent confiance dans leur stratégie d'artillerie antichars, de tranchées élargie, de balles perforantes et de fusils antichars, et finalement n'accordèrent aucune crédibilité à l'arme nouvelle. Pétain et Clémenceau sauvèrent la situation par leurs insistances. Le 20 novembre 1917 le succès britannique de Cambrai, où des centaines de chars mark IV réussirent une percée jamais vue depuis la stabilisation du front redonna confiance dans la nouvelle arme.

Le genéral Estienne passant ses troupes en revue le 14 juillet 1917 au camp de Champlieu: Au permier plan on aperçoit un Saint-Chamond sans armement d'une section de ravitaillement et de réparation

Jusqu'en mars 1918 les chars sont employés de façon assez sporadiques. Comme ils étaient lourds, sans tourelles et peu maniables ils eurent des succés locaux, mais étaient incapables d'emporter la décision, de provoquer une large rupture de front et l'exploitation qui devait en suivre.

Le progrés décisif eut lieu là encore sous l'impulsion du général Estienne qui aboutit au char léger Renault qui eut son baptème du feu le 31 mai 1918 en forêt de Retz. Alors que les chars Saint-chamond et Schneider voyaient leurs effectifs fondre lors des contre-attaques répétées de juin et juillet 1918, les chars Renault furent employés massivement pour enrayer la poussée de l'offensive ennemie, ce qui contribua grandement à arrêter celle-ci. Les chars légers permirent ensuite l'avancée alliée jusqu'à l'armistice. Les britanniques quant à eux employèrent leurs nouveaux Mark V avec un moteur plus puissant, beaucoup plus de maniabilité, et une forme plus allongée permettant de mieux franchir les tranchées. 

Chars Renault attaquant lors d'une offensive en 1918:

Mark V pris aux anglais et utilisé par les allemands lors des offensives de 1918:

Mark anglais utilisé par les allemands


Schneider CA-1: Il s'agit de la première commande française de chars (400 pièces). Les premiers engagements eurent lieu lors de l'offensive Nivelle à Bery-au-bac, le 16 avril 1917, avec deux groupements de Schneider CA-1. Initialement les chars percèrent, mais un des groupement fut arrété par une tranchée élargie puis écrasée par l'artillerie ennemie, l'autre résista trois heures dans les lignes ennemies sans que l'infanterie distancée ait pu les rejoindre. Sur 132 chars engagés, 76 ont été détruits par l'artillerie adverse ou abandonnés suite aux pannes.

    

Essai du matériel au Trou d'Enfer à Marly le Roi

char Schneider en cours d'essai

Char Schneider du groupe Bossut , un des rescapés de l'offensive du 16 avril 1917 - le blindage est percé d'éclats d'obus:

Schneider CA-16


Char Saint-Chamond: 400 exemplaires furent produits. Son armement principal est un canon de 75. Comme le Schneider CA-1 sa taille importante limitait ses possibilités d'évolution sur le terrain. Un autre défaut encore plus marqué sur le Saint-Chamond que sur le Schneider était que l'étrave prévue pour pousser les barbelés rendait le franchissement des tranchées difficile, car l'avant se plante en terre et les chenilles trop en arrière ne peuvent mordre sur le talus.

  

Char Saint-Chamond

char saint-chamond

Intérieur d'un char Saint-Chamond:

Intérieur d'un char lourd Saint-Chamond

Soldats lors d'une accalmie - en arrière plan un Saint-Chamond:


Char Renault FT17: Sous l'impulsion de général Estienne, le projet est mené tambour battant par Louis Renault et ses collaborateurs à l'usine de Billancourt. Le premier essai a lieu en avril 1917, cinq mois seulement aprés le début de l'étude. La fabrication a lieu en série, selon les méthodes utilisées dans l'automobile, ce qui assure une productivitè inégalée: 2653 chars FT-17 sont livrés aux armées, depuis le début de la production de masse en septembre 1917 et jusqu'à l'armistice.

Surnommé Char de la Victoire, il réussit à allier légéreté, mobilité et puisssance de feu. L'armement est installé dans une tourelle mobile tous azimuts en acier moulé de 20mm d'épaisseur. Il consiste en un canon de 37 ou une mitrailleuse, armement interchangeable (tourelle omnibus). Le poste de conduite est à l'avant, sous un glacis incliné en acier de 16mm d'épaisseur, à l'épreuve des balles de mitrailleuses.

Char  renault FT - schéma de conduite     char renault FT - schéma armement

Invulnérable aux armes légères, passant par dessus les barbelés et les tranchées, il prenait celles-ci en enfilade. Il était aussi particulièrement redoutable dans les combats de rues. Avec lui, l'infanterie possède vraiment un engin d'accompagnement efficace. 

Le premier bataillon de chars est engagé à la fin mai 1918. L'artillerie spéciale (AS) croît ensuite d'un bataillon de chars légers (BCL) par semaine. Le tout avec de nouvelles tactiques: pour des raisons de coordinations, les BCL sont souvent en liaison radio avec un avion d'observation et un groupe de 155mm CTR. On lui doit indubitablement une grande part dans la victoire finale de 1918. 

    

    

Devenu en quelques mois le char de la victoire, le petit renault FT est célébré comme tel le 14 juillet 1919:

char renault FT lors du défilé de la victoire


Les chars allemands: n'ayant au début accordé aucun crédit à la nouvelle arme, les stratégies de défense ayant été efficaces et les essais alliés peu concluants, les allemands ne produisirent que tardivement des chars de combat. Les Sturmpanzerwagen arrivèrent trop tard. Technologiquement dépassés, peu produits et mal employés, ils ne changèrent rien au cours de la guerre. Certains Tanks pris aux britanniques servirent dans les unités allemandes.

sturmpanzerwagen A7V n°525 Siegfried durant l'été 1918

sturmpanzerwagen A7V renversé

Fusil antichar T-gewehr modèle 1918:

Fusil antichar T-Gewehr modèle 1918

Soldats canadiens observant un fusil antichar allemand - Tankgewehr: du fait de son poids et de son recul important, cette arme était très impopulaire

Tankgewehr


Le char FCM 2 C: Ces chars lourds, dits de ruptures, furent commandés à 300 exemplaires en 1918 pour appuyer l'offensive décisive en Allemagne, que le maréchal Foch pensait ne pouvoir déclencher qu'en 1919. Fabriqués par les Forges et Chantiers de la Méditerrannée (F.C.M), la commande fut résiliée à l'armistice et seuls 10 exemplaires furent livrés. En attendant leur livraison, l'armée française avait reçu des chars mark V anglais. 

char FCM 2 C

char FCM 2 C


Attaque de chars lourds en juillet 1918 - Peinture de François Flameng:

Charles Baude - Les petits tanks à la seconde bataille de la Marne (juillet 1918):

Les petits tanks à la seconde bataille de la Marne


Source:  Photographies prises au Musée des blindés - Saumur et au musée de l'armée à Paris